L’abstention, seul choix honorable

Non, vous n’avez pas le droit de vote ! Personne n’a le droit de vote. Personne n’a le droit de rentrer chez son voisin, d’ouvrir ses armoires, d’inspecter son frigo, de compter ses tableaux, de tâter ses faïences, de fouiller ses comptes bancaires, de renifler ses draps et de refaire les plans de sa maison. Personne n’a le droit de dire à autrui quand il doit travailler, quand il doit se reposer, quand il doit sortir faire la fête, quand il doit partir mourir à la guerre. Personne n’a le droit de voler son prochain,  de lui taxer ses cigarettes, de lui confisquer son patrimoine, de lui imposer ses revenus, de lui téhipéper son essence. Personne n’a le droit de ficher, marquer, identifier, contrôler, enrôler, vérifier, mutualiser, solidariser, parquer, déplacer, déporter, endoctriner, estampiller, certifier ou représenter qui que ce soit sans son consentement exprès. De là, il découle que personne ne peut confier la moindre de ces tâches à un quelconque député ou président.

Et n’essayez pas d’invoquer l’argument pathétique du moindre mal. Il est indéfendable ! Qu’importe que vous ayez l’impression que votre situation personnelle soit moins mauvaise avec untel et untel ! D’une part, la réalité empirique nous prouve qu’il est totalement impossible de prédire la politique qui sera menée à partir des programmes de campagne. Les promesses électorales seront reniés, les circonstances imposeront des choix imprévus et l’essentiel de la gestion continuera d’être assumée par une administration et des syndicats dont les intérêts et les stratégies sont hors d’atteinte des électeurs. D’autre part – quand bien même on pourrait prévoir une quelconque mesure politique – les stratégies d’évitement individuel, depuis la fraude fiscale jusqu’à l’expatriation, sont suffisamment nombreuses pour que la clause de force majeure ne puisse être appliquée. Si vous votez, vous donnez votre consentement pour qu’on aille taxer les uns ou matraquer les autres. Dans tous les cas, vous serez complice, voire commanditaire, des crimes qui seront commis en votre nom.

Contrairement à ce qu’explique la vulgate social-démocrate, l’élection n’est pas le moment d’un choix. C’est le moment d’un rapport de force. Il n’y a pas d’un côté des citoyens qui délibèrent de façon libre, consciente et éclairée et de l’autre des hommes politiques démunis qui attendent la bénédiction populaire pour se mettre à l’action conformément aux voeux du plus grand nombre. La réalité du système, c’est l’existence pérenne d’appareils politiques professionnels qui consacrent l’ensemble de leur énergie à complaire le peuple, à travailler l’opinion, à lancer des mouvements, à orienter les médias, à s’acheter des alliés par des subsides, à entraver les concurrents par des législations ad-hoc, bref, à tisser des réseaux de pouvoir dans l’ensemble de la société. Puis, à intervalle régulier, lors des élections, ils mesurent leur capacité respective d’intégration. Ce qui se joue le jour de l’élection, ce n’est pas tant le choix entre deux programmes que la capacité de chaque candidat à faire se déplacer la grande masse. Si vous voyez dans un programme quelque proposition qui vous plaît, rappelez-vous toujours qu’elle est là exactement pour ça. Pour vous faire vous déplacer et voter pour le candidat en question. Ce n’est pas vous qui êtes en train d’effectuer un choix, c’est lui qui prouve qu’il est capable de vous hameçonner, puis de vous faire rentrer dans le système et, enfin, de gagner votre loyauté. Voilà ce qui préoccupe l’ensemble de la classe politico-administrative et qui justifie que l’un des concurrents laisse pacifiquement la place à l’autre : la certitude que le gagnant est capable d’intégrer le plus grand nombre dans le système et donc de préserver la prospérité à long terme des appareils politiques professionnels.

Si l’on veut changer le système, les élections ne servent à rien car elles font partie intégrante du système. Il faut attaquer les appareils politiques sur leur capacité de mobilisation. Rien ne fait plus de mal au pouvoir que la faiblesse du soutien populaire. La pire chose qui puisse arriver pour le gagnant d’une élection, c’est un taux d’abstention record parce qu’alors sa légitimité est directement remise en cause. Notre seule arme face au gouvernement, c’est l’insubordination. Il faut réaffirmer à chaque instant notre extériorité par rapport au système politique et ne jamais tomber dans le piège de l’appel à la citoyenneté. Il est temps de réapprendre la désobéissance, l’impertinence, l’effronterie, l’irresponsabilité et l’incivisme.

Vive l’abstention et merde au gouvernement.

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  1. Et merde aux gouvernements.

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